Laura Marie a publié sur instagram un texte pour expliquer pourquoi l’orthographe française est si complexe. Elle nous y explique qu’à la Renaissance s’est amorcée la « relatinisation » de l’orthographe. À cette époque, avec l’essor de l’imprimerie, dans toute l’Europe était apparue la nécessité de créer une forme de norme.

Et, en France, quand plusieurs orthographes concurrentes circulaient, on a fait le choix de conserver la plus «étymologique» voire d’ajouter carrément des lettres muettes.

Par exemple, un g et un t dans doi sont apparus pour rappeler que le mot doigt provenait du latin digitum.

Il en fut de même pour le p de compter (computare), de corps (corpus), de temps (tempus) ou de sept (septem). En ancien français, ces mots s’écrivaient respectivement conter, cor, tems et set. C’est aussi à cette époque qu’est apparu le le h de homme (homo), le g de vingt (viginti), le x de paix (pax) qui, jusque-là, s’écrivaient om, vint et pais.

Et il y en a eu beaucoup d’autres !

C’est intéressant de remarquer que des langues « hyper-latines » comme l’espagnol ou l’italien n’ont pas été touchées du tout par cette relatinisation. Les dirigeants espagnols ou italiens de l’époque ont, eux, fait le choix d’une orthographe accessible à tous.

Personne en Italie ou en Espagne ne criait au « nivèlement par le bas » quand ils ont décidé que le f traduirait très bien le phi grec et qu’il n’était nul besoin d’inventer (ou de conserver) le PH : philosophie chez nous, filosofìa en espagnol.

Personne n’a retenu non plus le besoin d’ajouter un g au mot doigt (dito en italien, dedo en espagnol) pour le rapprocher du digitus latin.

Les langues écrites italiennes ou espagnoles restent magnifiques. Les Italiens ou les Espagnols ne sont pas devenus stupides à la Renaissance.

En France on a fait le contraire. En France, l’Académie française a voulu que le savoir-écrire reste l’apanage de ceux qui avaient étudié le latin. Et que cela se voie. C’est parfaitement officiel et assumé : Mézeray, membre de l’Académie française en 1673, expliquait qu’il fallait conserver l’orthographe la plus étymologique afin qu’à travers l’orthographe on puisse distinguer « les gens de Lettres des Ignorants et des simples femmes« .

Je traduis : si l’orthographe était facile, les « simples femmes » (sic) risquaient d’être capables d’écrire aussi bien que les nobles, qui avaient étudié le latin pendant des années ! C’était hors de question. Ajouter des lettres latines permettait de complexifier la langue, pour donner de quoi briller à ceux qui en avaient les moyens.

C’est bien triste, mais aujourd’hui encore, ceux qui maitrisent l’orthographe difficile sont parfois ceux qui refusent qu’on y touche.

Les rectifications de l’orthographe de 1990 sont légères et mesurées. Elles ne défigurent pas la langue écrite. Le CSEN vient de publier un rapport pour rappeler « qu’il est important de les appliquer systématiquement, dans tous les manuels, mais aussi dans tous les textes mis à disposition des élèves. » Ce faisant, on respecterait le vœu de Maurice Druon, qui était secrétaire perpétuel de l’Académie française en 1990. C’est lui qui avait présenté ces rectifications au Premier ministre en 1990 en lui disant :

« Il a été entendu que les propositions des experts devraient être à la fois fermes et souples : fermes, afin que les rectifications constituent une nouvelle norme et que les enseignants puissent être informés précisément de ce qu’ils auront à enseigner aux nouvelles générations d’élèves ; souples, car il ne peut être évidemment demandé aux générations antérieures de désapprendre ce qu’elles ont appris, et donc l’orthographe actuelle doit rester admise. La situation est en fait la même qu’en 1835, quand la graphie oi fut remplacée par la graphie ai conforme à la prononciation d’usage dans les mots j’avais, j’aimais, français. Chateaubriand approuva cet ajustement, tout en continuant d’écrire comme il en avait l’habitude. »

Voir le discours de Maurice Druon sur le site de l’Académie française ici (ce passage est en introduction, page 2)

Adoptons-les !

Pour ma part, j’enseigne en orthographe rectifiée depuis ma sortie d’IUFM, et… tout va bien. Voir ici pour plus d’éléments : clic

Voir aussi Histoire de l’orthographe, de l’oignon à l’ognon.


charivari

Professeur des écoles (directrice d'école) en Sologne

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