Des faits, des textes officiels… il n’y aura rien d’autre dans cet article.
La source de toutes les citations ci-dessous, sauf indication contraire, se trouve dans le document Les rectifications de l’orthographe, publié au Journal Officiel en 1990, et mis à disposition sur le site de l’Académie française :
http://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/rectifications_1990.pdf
Pour ne pas trop sortir les phrases de leur contexte, j’ai choisi de reproduire des extraits très larges des documents officiels. Si vous manquez de temps, il est toujours possible de ne lire, dans les citations, que les passages surlignés.
Malgré les déclarations ambigües d’Hélène Carrère d’Encausse, les faits sont têtus, et les preuves à disposition de tous sur le site de l’Académie française (voir à ce propos la réponse de la ministre de l’Education Nationale, en fin d’article).
Preuve 1 : Les rectifications de l’orthographe de 1 990 ont été proposées par le Conseil supérieur de la langue française (en 1990, il comprenait 25 personnes, dont Bernard Pivot, Erik Orsenna, Tahar Ben Jelloun…). Le secrétaire perpétuel de l’Académie française est membre de droit de ce Conseil. C’est d’ailleurs lui, Maurice Druon, qui a présenté ces rectifications au Premier ministre de l’époque. (Source : ici en haut de la page 2)
Preuve 2, tirée de la présentation du Rapport sur les rectifications de l’orthographe, devant le Conseil supérieur de la langue française, le 19 juin 1990 par M. Maurice Druon, Secrétaire perpétuel de l’Académie française, président du groupe de travail (Source : ici page 3, colonne 1) : « Les experts, au prix d’un travail diligent et vraiment intense, ont rédigé, chacun selon ses compétences, un rapport en conformité avec la mission confiée au Conseil supérieur [de la langue française]. Ce rapport a été présenté par le Délégué général au groupe de travail, élargi à tous les membres du Conseil qui le désiraient, et les termes en ont été discutés et amendés au cours de plusieurs réunions. Comme vous l’aviez précisé, et comme il allait de soi, l’Académie française a été consultée. M. Cerquiglini, au cours de deux auditions, a présenté les propositions à la Commission du dictionnaire, laquelle en a débattu dans le détail et avec le plus grand soin.
À la suite de quoi, j’ai présenté moi-même à l’Académie, dans sa séance du 3 mai 1990, le rapport de sa Commission. L’Académie a constaté que les ajustements proposés étaient dans la droite ligne de ceux qu’elle avait pratiqués dans le passé, notamment en 1740, où la graphie d’un mot sur quatre était changée, en 1835, où elle a décidé de la modification que j’ai évoquée tout à l’heure, en 1878, dans la septième édition du dictionnaire, et encore en 1935, dans la huitième édition. Mais elle n’avait pas, en ces circonstances, l’aide d’un comité d’experts hautement qualifiés, ni non plus le secours de l’informatique.
Elle a apprécié les intentions qui avaient inspiré les travaux du Conseil : rectifier les incohérences anciennes, faciliter la maîtrise orthographique des mots à créer, faciliter l’enseignement de l’orthographe, affermir la place de la langue dans le monde. Elle a noté avec satisfaction que les deux graphies des mots modifiés resteraient admises jusqu’à ce que la nouvelle soit entrée dans l’usage. Et elle a considéré que cet ajustement mesuré serait de nature à ramener l’attention du public sur l’orthographe. Pour ces motifs, et à quelques réserves près, minimes, que le Conseil supérieur a bien voulu prendre en compte, l’Académie, à l’unanimité, a approuvé les propositions du Conseil. Et elle est disposée à les mettre en application dès la publication du 6e fascicule de son dictionnaire, l’an prochain. »
Preuve 3, tirée du communiqué intitulé l’Académie française et la réforme de l’orthographe, publié sur le site de l’Académie française ce 5 février 2016 : « C’est bien improprement que le terme de « réforme » est employé pour désigner les « rectifications » orthographiques proposées par le Conseil supérieur, qui ont été approuvées par l’Académie, et qu’elle a choisi de mentionner dans la neuvième édition de son Dictionnaire, en tenant compte pour chaque cas des évolutions réelles de l’usage. Il convient d’observer que ces ajustements ne concernent que quelque 2000 mots (soit 3 à 4% du lexique français) – la neuvième édition du Dictionnaire de l’Académie, en cours de publication, comptera environ 59000 entrées.
L’Académie a constaté que ces ajustements étaient conformes, dans leurs principes et dans leur effet, à ceux qu’elle a elle-même pratiqués à plusieurs reprises dans la troisième édition du Dictionnaire (1740), la sixième (1835), la septième (1878) et la huitième (1935). En effet, les rectifications proposées ne consistent en aucune manière à simplifier des graphies résultant d’une évolution étymologique ou phonétique, mais visent à mettre fin à une anomalie, à une incohérence, ou, simplement, à une hésitation, et ainsi à permettre l’application sans exceptions inutiles d’une règle simple, à souligner une tendance phonétique ou graphique constatée dans l’usage, ou encore à faciliter la création de mots nouveaux, notamment dans les domaines scientifique et technique, et, de manière générale, à rendre plus aisés l’apprentissage de l’orthographe et sa maîtrise ».
En revanche, il faut préciser que L’Académie française approuve ces rectifications parce que ce ne sont que des rectifications, justement. Elles n’ont rien à voir avec une réforme de l’orthographe.
Le Premier ministre Michel Rocard, répondant à la présentation de Maurice Druon : « Je vous remercie pour ce rapport limpide, qui correspond exactement à la demande que j’avais faite au Conseil. Comme il était entendu, il exclut toute idée de réforme de notre orthographe, mais il présente des propositions de rectifications précises, limitées, et respectueuses de l’histoire et de la nature de notre langue, dans son passé comme dans son devenir. Je tiens à féliciter l’ensemble des membres « (Source : page 5, début de la colonne 1)
En 2016, dans le document où elle rappelle avoir approuvé les rectifications de 1990, l’Académie française reprécise la même chose : « La Compagnie a rappelé à cette occasion son attachement au principe selon lequel doivent être exclues toute réforme et même toute simplification de l’orthographe. Ce principe est conforme à sa position constante : hostile à toute réforme visant à modifier autoritairement l’usage, l’Académie n’a jamais été pour autant fermée à des ajustements appelés par les évolutions de la langue, et que les différentes éditions de son Dictionnaire se sont attachées à refléter. » (Source)
Preuve 1 : « Il a été entendu que les propositions des experts devraient être à la fois fermes et souples : fermes, afin que les rectifications constituent une nouvelle norme et que les enseignants puissent être informés précisément de ce qu’ils auront à enseigner aux nouvelles générations d’élèves ; souples, car il ne peut être évidemment demandé aux générations antérieures de désapprendre ce qu’elles ont appris, et donc l’orthographe actuelle doit rester admise » (Source, site de l’académie française : ici, page 2, colonne 2).
Preuve 2 : « Comme l’a déclaré le Premier ministre [en parlant de l’application des rectifications de l’orthographe], il n’est pas question de légiférer en cette matière. Les édits linguistiques sont impuissants s’ils ne sont pas soutenus par une ferme volonté des institutions compétentes et s’ils ne trouvent pas dans le public un vaste écho favorable. C’est pourquoi ces propositions sont destinées à être enseignées aux enfants — les graphies rectifiées devenant la règle, les anciennes demeurant naturellement tolérées ; elles sont recommandées aux adultes, et en particulier à tous ceux qui pratiquent avec autorité, avec éclat, la langue écrite, la consignent, la codifient et la commentent. » (Source ici, page 8, colonne 2)
Suivant les recommandations ci-dessus, les programmes de l’école et ceux du collège demandent aux enseignants d’adopter comme référence l’orthographe rectifiée :
Depuis 2008, à l’école : « l’orthographe révisée est la référence » (Source : p37 du Bulletin Officiel sur les programmes de l’école d’avril 2008).
Au collège, programmes 2008 : «pour l’enseignement de la langue française, le professeur tient compte des rectifications orthographiques proposées par le Rapport du Conseil supérieur de la langue française, approuvées par l’Académie française ». (Source : no 6 du 26 aout 2008 du Bulletin Officiel, page 2)
Et maintenant dans les programmes 2015 : « L’enseignement de l’orthographe a pour référence les rectifications orthographiques publiées par le Journal officiel de la République française le 6 décembre 1990 ». (Source : Bulletin officiel du 26 nov. 2015, le passage cité se trouve page 23, troisième paragraphe. On le retrouve page 114 et page 236. La directive s’applique ainsi à tous les cycles de l’école et du collège).
Luc Chatel a récemment assuré que la « réforme de l’orthographe » (sic) se faisait « dans le cadre de la réforme du collège« . C’est d’autant plus étonnant qu’il savait parfaitement que c’était faux, puisqu’il était ministre de l’Éducation Nationale de 2010 à 2012, dates auxquelles, on l’a vu plus haut, l’orthographe révisée était déjà au programme de l’école et du collège. Les programmes 2015 n’ont fait que reconduire ce que les rédacteurs des programmes, sous le ministère de Xavier Darcos, avaient décidé en 2008.
Aucun changement, aucune nouveauté, aucune nouvelle consigne concernant l’application des rectifications de 1990 n’est apparue dans aucun document officiel depuis que Najat Vallaud-Belkacem est ministre de l’Éducation nationale.
Pour connaitre les nouvelles règles : http://www.orthographe-recommandee.info/
Ajout du 16/2/16 : la réponse de la ministre de l’Éducation Nationale à Hélène Carrère d’Encausse qui avait déclaré « « Je n’ai pas compris les raisons qui expliquent l’exhumation d’une réforme de l’orthographe élaborée il y a un quart de siècle et où l’Académie française n’a eu aucune part, à l’inverse de ce que l’on a voulu faire croire » »
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